Le soleil tourne à nouveau rond : Résolution d’une partie du “problème solaire”.

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Sun Model Structure
Structure du modèle solaire

Le modèle développé par les scientifiques comprend l’histoire de la rotation du soleil mais aussi les instabilités magnétiques qu’il génère. Crédit : Sylvia Ekström / UNIGE

Une équipe internationale d’astronomes a réussi à développer un modèle pour résoudre une partie du “problème solaire”.

Tout allait mal avec le Soleil ! Au début des années 2000, un nouveau jeu de données a fait chuter les abondances chimiques à la surface du Soleil, contredisant les niveaux prédits par les modèles standards utilisés par les astrophysiciens. Souvent contestées, ces nouvelles abondances ont fait l’objet de multiples nouvelles analyses. Comme elles semblaient s’avérer exactes, c’était donc aux modèles solaires de s’adapter, d’autant plus qu’ils servent de référence pour l’étude des étoiles en général. Une équipe d’astronomes de l’UNIGE, en collaboration avec l’Université de Liège, a développé un nouveau modèle théorique qui résout une partie du problème : en tenant compte de la rotation du Soleil, qui a varié au cours du temps, et des champs magnétiques qu’elle génère, ils ont pu expliquer la structure chimique du Soleil. Les résultats de cette étude sont publiés dans la revue Nature Astronomy.

“Le Soleil est l’étoile que nous pouvons le mieux caractériser, il constitue donc un test fondamental pour notre compréhension de la physique stellaire. Nous disposons de mesures d’abondance de ses éléments chimiques, mais aussi de mesures de sa structure interne, comme dans le cas de la Terre grâce à la sismologie”, explique Patrick Eggenberger, chercheur au Département d’astronomie de l’Université de Genève, Suisse (UNIGE) et premier auteur de l’étude.

Ces observations devraient être en accord avec les résultats prédits par les modèles théoriques qui visent à expliquer l’évolution du Soleil. Comment le Soleil brûle-t-il son hydrogène dans le noyau ? Comment l’énergie y est-elle produite puis transportée vers la surface ? Comment les éléments chimiques dérivent-ils dans le Soleil, influencés à la fois par la rotation et les champs magnétiques ?

Le modèle solaire standard

“Le modèle solaire standard que nous utilisions jusqu’à présent considère notre étoile de manière très simplifiée, d’une part en ce qui concerne le transport des éléments chimiques dans les couches les plus profondes, d’autre part pour la rotation et les champs magnétiques internes qui étaient entièrement négligés jusqu’à présent”, explique Gaël Buldgen, chercheur au Département d’astronomie de l’UNIGE et co-auteur de l’étude.

Pourtant, tout allait bien jusqu’au début des années 2000, lorsqu’une équipe scientifique internationale a révisé drastiquement les abondances solaires grâce à une analyse améliorée. Les nouvelles abondances ont provoqué de profondes secousses dans les eaux de la modélisation solaire. Dès lors, aucun modèle n’a pu reproduire les données obtenues par l’héliosismologie (l’analyse des oscillations du Soleil), en particulier l’abondance de l’hélium dans l’enveloppe solaire.

Un nouveau modèle et le rôle clé de la rotation et des champs magnétiques

Le nouveau modèle solaire développé par l’équipe de l’UNIGE intègre non seulement l’évolution de la rotation qui était probablement plus rapide dans le passé, mais aussi les instabilités magnétiques qu’elle crée. “Nous devons absolument considérer simultanément les effets de la rotation et des champs magnétiques sur le transport des éléments chimiques dans nos modèles stellaires. C’est important pour le Soleil comme pour la physique stellaire en général et cela a un impact direct sur l’évolution chimique de l’Univers, étant donné que les éléments chimiques cruciaux pour la vie sur Terre sont cuits au cœur des étoiles”, explique Patrick Eggenberger.

Non seulement le nouveau modèle prévoit à juste titre la concentration d’hélium dans les couches externes du Soleil, mais il reflète également celle du lithium qui résistait jusqu’à présent à la modélisation. “L’abondance de l’hélium est correctement reproduite par le nouveau modèle car la rotation interne du Soleil imposée par les champs magnétiques génère un mélange turbulent qui empêche cet élément de tomber trop rapidement vers le centre de l’étoile ; simultanément, l’abondance du lithium observée à la surface solaire est également reproduite car ce même mélange le transporte vers les régions chaudes où il est détruit”, explique Patrick Eggenberger

Le problème n’est pas entièrement résolu

Cependant, le nouveau modèle ne résout pas tous les problèmes soulevés par l’héliosismologie : “Grâce à l’héliosismologie, nous savons à 500 km près dans quelle région commencent les mouvements convectifs de la matière, à 199 500 km sous la surface du Soleil. Or, les modèles théoriques du Soleil prévoient un décalage en profondeur de 10’000 km !” explique Sébastien Salmon, chercheur à l’UNIGE et co-auteur de l’article. Si le problème existe toujours avec le nouveau modèle, il ouvre une nouvelle porte de compréhension : “Grâce au nouveau modèle,nous mettons en lumière les processus physiques qui peuvent nous aider à résoudre cette différence critique.”

Mise à jour des étoiles de type solaire

“Nous allons devoir réviser les masses, rayons et âges obtenus pour les étoiles de type solaire que nous avons étudiées jusqu’à présent”, indique Gaël Buldgen, détaillant les prochaines étapes. En effet, dans la plupart des cas, la physique solaire est transposée à des études de cas proches du Soleil. Par conséquent, si les modèles d’analyse du Soleil sont modifiés, cette mise à jour doit également être effectuée pour d’autres étoiles similaires à la nôtre.

Patrick Eggenberger précise : “Ceci est particulièrement important si nous voulons mieux caractériser les étoiles hôtes des planètes, par exemple dans le cadre de la mission PLATO.” Cet observatoire de 24 télescopes devrait s’envoler vers le point de Lagrange 2 (1,5 million de kilomètres de la Terre, à l’opposé du Soleil) en 2026 pour découvrir et caractériser de petites planètes et affiner les caractéristiques de leur étoile hôte.

Référence : “The internal rotation of the Sun and its link to the solar Li and He surface abundances” par P. Eggenberger, G. Buldgen, S.J.A.J. Salmon, A. Noels, N. Grevesse et M. Asplund, 26 mai 2022, Nature Astronomy.
DOI: 10.1038/s41550-022-01677-0

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