Écologiste végétal : Nous devrions manger plus d’insectes et utiliser leurs déchets pour faire pousser des cultures

Écologiste végétal : Nous devrions manger plus d'insectes et utiliser leurs déchets pour faire pousser des cultures
Les insectes dans l'alimentation humaine et animale

Ce diagramme montre un système alimentaire circulaire alimenté par la production et les déchets d’insectes utilisés comme nourriture et aliments pour animaux. Crédit : Barrágan-Fonseca et al.

Marcel Dicke savait déjà que les insectes sont une excellente source de protéines pour les humains, mais il ne s’attendait pas à apprendre qu’ils ont un impact aussi positif sur les plantes. Dans un article d’opinion publié le 2 mars 2022 dans la revue Trends in Plant Science, Dicke, chercheur à l’université de Wageningen aux Pays-Bas, et ses collègues discutent des avantages de l’utilisation des déchets issus de la production d’insectes pour l’alimentation humaine et animale afin de promouvoir les cultures durables. Selon les auteurs, cette approche pourrait améliorer la croissance, la santé, la pollinisation et la résilience des plantes.

Les restes de la production d’insectes se présentent sous deux formes principales : les exuvies, les exosquelettes laissés après la mue, et les excréments, du nom du mot allemand signifiant “manger”. Les excréments sont “essentiellement du caca d’insecte et de la nourriture non consommée”, explique M. Dicke.

Lorsqu’ils sont ajoutés au sol, les exuvies et les excréments favorisent la croissance et la santé des plantes. Les excréments d’insectes sont riches en azote, un élément nutritif essentiel à la croissance des plantes, mais qui est rare dans la plupart des sols ; c’est pourquoi il est souvent ajouté aux cultures dans les engrais synthétiques. Les exosquelettes des insectes sont riches en chitine, un polymère difficile à digérer pour la plupart des organismes.

Marcel Dicke

Marcel Dicke, écologiste des plantes. Crédit : Marcel Dicke

“Il existe cependant un ensemble de bactéries capables de métaboliser la chitine, et ces microbes aident les plantes à être plus résistantes aux maladies et aux parasites”, explique Marcel Dicke. “Lorsque les exuvies sont ajoutées au sol, les populations de ces bactéries bénéfiques augmentent.”

Dicke et son équipe considèrent l’application des sous-produits de l’élevage des insectes aux cultures comme une nouvelle étape vers un système alimentaire circulaire dans lequel il y a très peu de déchets. Les insectes sont nourris de déchets issus de l’agriculture ou de la production alimentaire, et les insectes fournissent ensuite de la nourriture aux humains. En utilisant les restes de la production d’insectes pour stimuler la croissance des cultures, on pourrait boucler ce cercle. Il ne lui reste plus qu’à rallier les gens à sa cause.

Les insectes, que M. Dicke qualifie de “mini-bétail”, sont déjà efficaces à élever, surtout si on les compare au bétail plus traditionnel. Il faut environ 25 kilogrammes d’herbe pour produire un kilogramme de viande de bœuf. La même quantité d’herbe peut produire dix fois plus de protéines d’insectes comestibles. Cela est dû au taux de conversion plus élevé des insectes et au fait que jusqu’à 90 % de la masse corporelle d’un insecte est comestible, contre seulement 40 % pour une vache.

“J’ai mangé des grillons, des vers de farine et des criquets”, dit Dicke. “Beaucoup de gens dans notre région du monde doivent s’habituer à manger des insectes, mais je peux vous dire que j’ai mangé beaucoup d’autres espèces d’insectes à travers le monde, et j’ai toujours eu un merveilleux repas sur eux.”

Les chercheurs prévoient de continuer à étudier le potentiel des exuvies comme moyen de lutte contre les parasites. Lorsqu’une plante est attaquée par un insecte, ses feuilles peuvent produire des substances volatiles qui attirent les prédateurs du ravageur. “J’appelle cela l’appel au secours de la plante”, explique M. Dicke. “Elles recrutent des gardes du corps”.

Dicke pense qu’un processus similaire pourrait se produire à travers les racines des plantes et que les microbes qui digèrent la chitine dans les déchets d’insectes pourraient également agir comme une sécurité pour les plantes en décomposant les champignons pathogènes et en rendant la plante résiliente aux parasites. “Des études ont déjà montré que les microbes associés aux racines aident les plantes en les protégeant contre les maladies”, explique M. Dicke. “Nous cherchons maintenant à savoir si les racines des plantes recrutent des microbes qui les aident à se défendre contre les parasites.”

Référence : “Les frasques et exuvies d’insectes pour favoriser la croissance et la santé des plantes” par Katherine Y. Barragán-Fonseca, Azkia Nurfikari, Els M. van de Zande, Max Wantulla, Joop J.A. van Loon, Wietse de Boer et Marcel Dicke, 2 mars 2022, Trends in Plant Science.
DOI: 10.1016/j.tplants.2022.01.007

Ces auteurs ont été soutenus par le Conseil de la recherche néerlandais.

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