Une technologie avancée de cartographie sous-marine révèle des changements rapides dans les fonds marins de l’Arctique lors du dégel du pergélisol submergé

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Massive Sinkhole Arctic Shelf Edge
Un trou d'eau massif en bordure du plateau arctique

Des relevés cartographiques répétés effectués à l’aide des véhicules sous-marins autonomes (AUV) du MBARI ont révélé la présence d’une énorme doline qui s’est développée en seulement neuf ans. Crédit : Eve Lundsten 2022 MBARI

Grâce à la technologie de cartographie du MBARI, les chercheurs ont établi une base de référence pour suivre les changements futurs du plancher océanique.

Une nouvelle étude des chercheurs du MBARI et de leurs collaborateurs est la première à documenter la façon dont le dégel du pergélisol, immergé sous l’eau au bord de l’océan Arctique, affecte le plancher océanique. L’étude a été publiée dans le Proceedings of the National Academy of Sciences le 14 mars 2022.

De nombreuses études évaluées par des pairs montrent que le dégel du pergélisol crée des terrains instables qui ont un impact négatif sur les infrastructures importantes de l’Arctique, comme les routes, les voies ferrées, les bâtiments et les aéroports. Ces infrastructures sont coûteuses à réparer, et les impacts et les coûts devraient continuer à augmenter.

En utilisant une technologie avancée de cartographie sous-marine, les chercheurs du MBARI et leurs collaborateurs ont révélé que des changements dramatiques se produisent au niveau du fond de la mer en raison du dégel du pergélisol. Dans certaines zones, de profondes dolines se sont formées, certaines étant plus grandes qu’un pâté de maisons de six étages. Dans d’autres régions, des collines remplies de glace, appelées pingos, se sont élevées du fond de la mer.

“Nous savons que de grands changements se produisent dans le paysage arctique, mais c’est la première fois que nous avons pu déployer une technologie permettant de voir que des changements se produisent également au large”, a déclaré Charlie Paull, géologue au MBARI et l’un des principaux auteurs de l’étude. “Cette recherche révolutionnaire a révélé comment le dégel du pergélisol sous-marin peut être détecté, puis surveillé une fois les lignes de base établies.”

Récupération du véhicule sous-marin autonome MBARI

Le véhicule sous-marin autonome (AUV) du MBARI est récupéré après avoir terminé avec succès une mission de cartographie du fond marin dans l’océan Arctique. Le véhicule télécommandé (ROV, au premier plan) est utilisé pour effectuer des relevés visuels des fonds marins nouvellement cartographiés. Crédit : Charlie Paull 2016 MBARI

Alors que la dégradation du pergélisol arctique terrestre est attribuée en partie à l’augmentation de la température annuelle moyenne due au changement climatique provoqué par l’homme, les changements que l’équipe de recherche a documentés sur le plancher océanique associés au pergélisol sous-marin découlent de changements climatiques beaucoup plus anciens et plus lents liés à notre sortie de la dernière période glaciaire. Des changements similaires semblent se produire le long de la bordure maritime de l’ancien pergélisol depuis des milliers d’années.

“Il n’y a pas beaucoup de données à long terme sur la température du plancher océanique dans cette région, mais les données dont nous disposons ne montrent pas de tendance au réchauffement. Les changements de terrain du plancher océanique sont plutôt dus à la chaleur transportée par les systèmes d’eau souterraine qui se déplacent lentement”, explique Paull.

“Cette recherche a été rendue possible grâce à une collaboration internationale au cours de la dernière décennie qui a permis d’accéder à des plateformes de recherche marine modernes telles que la technologie robotique autonome du MBARI et les brise-glaces exploités par la Garde côtière canadienne et l’Institut coréen de recherche polaire”, a déclaré Scott Dallimore, chercheur scientifique à la Commission géologique du Canada, Ressources naturelles Canada, qui a dirigé l’étude avec Paull. “Le gouvernement du Canada et le peuple inuvialuit qui vit sur la côte de la mer de Beaufort accordent une grande importance à cette recherche, car les processus complexes décrits ont des répercussions sur l’évaluation des géorisques, la création d’un habitat marin unique et notre compréhension des processus biogéochimiques.”

Contexte

La mer de Beaufort canadienne, une région éloignée de l’Arctique, n’est devenue que récemment accessible aux scientifiques, le changement climatique entraînant le retrait de la glace de mer.

Depuis 2003, le MBARI fait partie d’une collaboration internationale pour étudier le plancher océanique de la mer de Beaufort canadienne avec la Commission géologique du Canada, le ministère des Pêches et des Océans du Canada et, depuis 2013, avec l’Institut coréen de recherche polaire.

Le MBARI a utilisé des véhicules sous-marins autonomes (AUV) et des sonars de navires pour cartographier la bathymétrie des fonds marins jusqu’à une résolution d’une grille carrée d’un mètre de côté, soit à peu près la taille d’une table de dîner.

Paull et l’équipe de chercheurs retourneront dans l’Arctique cet été à bord du R/V Araonun brise-glace coréen. Ce voyage avec les collaborateurs canadiens et coréens de longue date du MBARI, ainsi que l’ajout du Laboratoire de recherche navale des États-Unis, permettra d’affiner notre compréhension de la décomposition du pergélisol sous-marin.

Deux des AUV du MBARI cartographieront la région de l’océan Indien.Le MiniROV du MBARI, un véhicule portable télécommandé, permettra de poursuivre l’exploration et l’échantillonnage en complément des études cartographiques.

Référence : “Rapid seafloor changes associated with the degradation of Arctic submarine permafrost” 14 mars 2022, Actes de l’Académie nationale des sciences.
DOI : 10.1073/pnas.2119105119

Ce travail a bénéficié du soutien de la Fondation David et Lucile Packard, de la Commission géologique du Canada, de Pêches et Océans Canada et du ministère coréen des Océans et des Pêches (subvention KIMST n° 1525011795).

A propos du MBARI

MBARI (Monterey Bay Aquarium Research Institute) est un centre de recherche océanographique privé à but non lucratif, fondé par David Packard en 1987. La mission du MBARI est de faire progresser les sciences et technologies marines pour comprendre un océan en mutation.

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