Une “lumière à cinq couleurs” vue dans le ciel : la plus ancienne trace d’une aurore candidate trouvée dans les annales chinoises

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Bamboo Annals Fragment
Fragment des Annales du Bambou

Un des fragments des Annales du Bambou, un extrait de l’ancien texte des Annales du Bambou cité dans (b) Tàipíng Yùlan (v. 874, f. 4b ; MS Nu-3 in. Crédit : la Bibliothèque nationale de la Diète du Japon).

Un écrit chinois ancien mentionne un phénomène céleste qui s’avère être la plus ancienne référence connue à une aurore potentielle, précédant la plus ancienne suivante d’environ 300 ans.

Un phénomène céleste mentionné dans un ancien texte chinois s’avère être la plus ancienne référence connue à une aurore potentielle, précédant la plus ancienne suivante de quelque trois siècles, selon une étude récente de Marinus Anthony van der Sluijs, un chercheur indépendant basé au Canada, et Hisashi Hayakawa de l’Université de Nagoya. Cette découverte a été publiée récemment dans la revue Advances in Space Research.

Le site Annales du bambou, ou Zhushu Jinian en mandarin, relatent l’histoire de la Chine depuis les premières légendes jusqu’au IVe siècle avant J.-C., date à laquelle ils ont probablement été écrits. Outre les événements historiques, des observations inhabituelles du ciel apparaissent parfois dans le texte. Bien que les historiens connaissent cette chronique depuis longtemps, un regard neuf sur des documents aussi anciens peut parfois fournir de nouvelles informations surprenantes. Dans cet exemple, les auteurs se sont penchés sur la mention d’une “lumière à cinq couleurs” observée dans la région nord du ciel, une nuit proche de la fin du règne du roi Zhao de la dynastie Zhou.

Bien que l’année exacte soit incertaine, ils ont utilisé des reconstructions actualisées de la chronologie chinoise pour déterminer que 977 et 957 avant J.-C. sont les deux années les plus probables, selon la façon dont le règne de Zhao est daté. Ils ont trouvé que l’enregistrement de la “lumière à cinq couleurs” était cohérent avec une grande tempête géomagnétique. Lorsque les aurores des latitudes moyennes sont suffisamment brillantes, elles peuvent présenter un spectacle de couleurs multiples. Les chercheurs citent plusieurs exemples de ce phénomène dans des documents historiques beaucoup plus proches de notre époque. On sait que le pôle magnétique nord de la Terre était incliné du côté de l’Eurasie au milieu du 10e siècle avant notre ère, soit environ 15° plus près du centre de la Chine qu’actuellement. Par conséquent, l’ovale auroral aurait pu être visible pour les observateurs du centre de la Chine à des moments de perturbation magnétique importante. L’étude estime que la limite vers l’équateur de l’ovale auroral aurait été située à une latitude magnétique de 40° ou moins à cette occasion.

Il s’agirait du plus ancien enregistrement datable d’une aurore connu dans le monde. Cette découverte intervient à peine deux ans après celle du précédent détenteur de cette distinction – plusieurs enregistrements d’aurores candidates inscrits sur des tablettes cunéiformes par des astronomes assyriens dans la période 679-655 avant notre ère. Certains scientifiques ont également associé la vision d’Ezéchiel, qui est maintenant datée de 594 ou 593 avant J.-C., à la visibilité aurorale au Moyen-Orient, mais une réserve s’impose quant à sa fiabilité. Par ailleurs, une autre trace datable d’une aurore candidate précoce a été trouvée pour 567 avant notre ère dans le journal astronomique du roi babylonien Nabuchodonosor II.

Pourquoi les scientifiques ont-ils mis si longtemps à reconnaître les aurores dans la lumière à cinq couleurs de cette chronique ? L’une des raisons est que le Annales du bambou ont eu une histoire mouvementée. Le manuscrit original a été perdu, redécouvert au IIIe siècle de notre ère et perdu à nouveau sous la dynastie Song. Au 16e siècle, une variante du texte a été imprimée, dans laquelle l’objet dans le ciel n’était pas une lumière à cinq couleurs, mais une comète. La nouvelle étude montre qu’il ne peut s’agir de la lecture originale.

Il est fascinant en soi que les récits populaires sur les aurores boréales puissent remonter aussi loin. Cependant, ces informations historiques sont également utiles à d’autres fins. Elles aident les scientifiques à modéliser les modèles à long terme de la variabilité de la météo spatiale et de l’activité solaire sur des périodes allant de plusieurs décennies à plusieurs millénaires. La compréhension de ces variations peut aider la société à se préparer à d’éventuelles futures éruptions solaires à grande échelle et aux perturbations de l’infrastructure technologique qu’elles peuvent entraîner.

Cet enregistrement est maintenant la seule référence historique connue à un événement météorologique spatial avant le Grand Minimum (solaire) homérique (810 – 740 avant J.-C.), qui devrait de préférence être appelé Grand Minimum néo-assyrien en raison de l’historicité et des dates controversées d’Homère.

Référence : “Un rapport auroral candidat dans le Annales du Bambouindiquant un possible événement météorologique spatial extrême au début du 10e siècle avant Jésus-Christ” par Marinus Anthony van der Sluijs et Hisashi Hayakawa, 17 janvier 2022, Progrès dans le domaine de l’espaceRecherche.
DOI : 10.1016/j.asr.2022.01.010

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