L’un des capteurs à puce électronique les plus précis au monde créés – grâce à une toile d’araignée

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Artificial Spider Web Probed With Laser Light
Toile d'araignée artificielle sondée avec lumière laser

Impression d’artiste d’une toile d’araignée artificielle sondée à la lumière laser. Crédit : Laboratoire d’optique TU Delft

Une équipe de chercheurs de la TU Delft a réussi à concevoir l’un des capteurs à puce électronique les plus précis au monde ; l’appareil peut fonctionner à température ambiante – un « Saint Graal » pour les technologies quantiques et la détection. Combinant la nanotechnologie et l’apprentissage automatique inspirés des toiles d’araignées de la nature, ils ont pu faire vibrer un capteur nanomécanique dans une isolation extrême du bruit quotidien. Cette percée, publiée dans le numéro Rising Stars d’Advanced Materials, a de grandes implications pour l’étude de la gravité et de la matière noire, ainsi que pour les domaines de l’internet quantique, de la navigation et de la détection.

L’un des plus grands défis pour l’étude des objets vibrants à la plus petite échelle, comme ceux utilisés dans les capteurs ou le matériel quantique, est de savoir comment empêcher le bruit thermique ambiant d’interagir avec leurs états fragiles. Le matériel quantique, par exemple, est généralement maintenu à près zéro absolu (−273,15 °C), les réfrigérateurs coûtant un demi-million d’euros pièce. Des chercheurs de la TU Delft ont créé un capteur à micropuce en forme de bande qui résonne extrêmement bien indépendamment du bruit à température ambiante. Entre autres applications, leur découverte rendra la construction de dispositifs quantiques beaucoup plus abordable.

Richard Norte et Miguel Bessa

Inspirés par les toiles d’araignées de la nature et guidés par l’apprentissage automatique, Richard Norte (à gauche) et Miguel Bessa (à droite) font la démonstration d’un nouveau type de capteur en laboratoire. Crédit : Frank Auperlé

Faire de l’auto-stop sur l’évolution

Richard Norte et Miguel Bessa, qui ont dirigé la recherche, cherchaient de nouvelles façons de combiner la nanotechnologie et l’apprentissage automatique. Comment leur est venue l’idée d’utiliser des toiles d’araignées comme modèle ? Richard Norte : « Cela fait déjà une dizaine d’années que je fais ce travail quand pendant le confinement, j’ai remarqué beaucoup de toiles d’araignées sur ma terrasse. J’ai réalisé que les toiles d’araignées sont de très bons détecteurs de vibrations, dans la mesure où elles veulent mesurer les vibrations à l’intérieur de la toile pour trouver leur proie, mais pas à l’extérieur, comme le vent à travers un arbre. Alors pourquoi ne pas faire de l’auto-stop sur des millions d’années d’évolution et utiliser une toile d’araignée comme modèle initial d’un appareil ultra-sensible ? »

Comme l’équipe ne savait rien de la complexité des toiles d’araignées, elle a laissé l’apprentissage automatique guider le processus de découverte. Miguel Bessa : « Nous savions que les expériences et les simulations étaient coûteuses et prenaient beaucoup de temps, alors avec mon groupe, nous avons décidé d’utiliser un algorithme appelé optimisation bayésienne, pour trouver une bonne conception en utilisant peu de tentatives. » Dongil Shin, co-premier auteur de ce travail, a ensuite implémenté le modèle informatique et appliqué l’algorithme d’apprentissage automatique pour trouver la nouvelle conception de l’appareil.

Capteur à puce électronique basé sur des toiles d’araignées

À la surprise du chercheur, l’algorithme a proposé une toile d’araignée relativement simple sur 150 conceptions de toile d’araignée différentes, qui se compose de seulement six chaînes assemblées d’une manière trompeusement simple. Bessa : « Les simulations informatiques de Dongil ont montré que cet appareil pouvait fonctionner à température ambiante, dans laquelle les atomes vibrent beaucoup, mais avec une quantité d’énergie incroyablement faible provenant de l’environnement – un facteur de qualité plus élevé en d’autres termes. Grâce à l’apprentissage automatique et à l’optimisation, nous avons réussi à adapter le concept de toile d’araignée de Richard à ce facteur de qualité bien meilleur.
Sur la base de ce nouveau design, le co-premier auteur Andrea Cupertino a construit un capteur à micropuce avec un film ultra-mince et nanométrique de matériau céramique appelé Silicon Nitride. Ils ont testé le modèle en faisant vibrer avec force la « toile » de la micropuce et en mesurant le temps nécessaire pour que les vibrations s’arrêtent. Le résultat a été spectaculaire : une vibration isolée record à température ambiante. Norte : « Nous n’avons trouvé pratiquement aucune perte d’énergie à l’extérieur de notre puce électronique : les vibrations se déplacent en cercle à l’intérieur et ne touchent pas l’extérieur. C’est un peu comme donner à quelqu’un une seule poussée sur une balançoire et le faire se balancer pendant près d’un siècle sans s’arrêter.

Implications pour les sciences fondamentales et appliquées

Avec leur capteur basé sur une toile d’araignée, les chercheurs montrent comment cette stratégie interdisciplinaire ouvre la voie à de nouvelles avancées scientifiques, en combinant des conceptions bio-inspirées, l’apprentissage automatique et la nanotechnologie. Ce nouveau paradigme a des implications intéressantes pour l’internet quantique, la détection, les technologies des micropuces et la physique fondamentale : l’exploration de forces ultra-petites par exemple, comme la gravité ou la matière noire qui sont notoirement difficiles à mesurer. Selon les chercheurs, la découverte n’aurait pas été possible sans la subvention Cohesion de l’université, qui a conduit à cette collaboration entre la nanotechnologie et l’apprentissage automatique.

Référence : « Spiderweb Nanomechanical Resonators via Bayesian Optimization : Inspired by Nature and Guided by Machine Learning » par Dongil Shin, Andrea Cupertino, Matthijs HJ de Jong, Peter G. Steeneken, Miguel A. Bessa et Richard A. Norte, 25 octobre 2021, Matériaux avancés.
DOI : 10.1002/adma.202106248

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