Inciter au lieu de contraindre : Les “Nudges” prouvent leur efficacité à modifier le comportement des gens.

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Coercing Pushing Nudging Concept

Coercition Poussée Nudging Concept

Une équipe de l’UNIGE démontre que certaines techniques d’incitation douce, appelées “nudges”, sont efficaces pour amener les gens à modifier leur comportement.

Développée par l’économiste américain Richard Thaler à la fin des années 2000, la théorie du “nudging” part du principe que nos choix ne sont pas uniquement déterminés par notre capacité de raisonnement, mais sont également influencés par certains biais tels que nos émotions, nos souvenirs, l’opinion des autres ou la configuration de notre environnement. Se concentrer sur ces éléments peut donc être plus efficace pour nous faire changer certains comportements qu’une interdiction ou une campagne de sensibilisation.

Dans les sciences du comportement, les chercheurs appellent cela une modification de “l’architecture du choix”. C’est ce qui se passe, par exemple, lorsque dans une cafétéria d’entreprise, les plats les plus sains sont délibérément placés en haut du menu pour inciter les clients à sélectionner l’option la plus bénéfique pour leur santé, sans porter atteinte à leur liberté de choix. Ce type d’intervention suscite donc un intérêt croissant de la part de la communauté scientifique et des pouvoirs publics.

Plus de 450 stratégies analysées

Malgré la popularité croissante des nudges, leurs performances n’avaient pas encore été étudiées dans leur intégralité. En réalisant une méta-analyse (une approche statistique visant à synthétiser les résultats de nombreuses études), une équipe de recherche de l’Université de Genève (UNIGE) a réussi à démontrer l’efficacité des “nudges” et à identifier les domaines dans lesquels ils sont les plus pertinents. “Nous avons rassemblé plus de 200 articles scientifiques publiés au cours des 15 dernières années sur le sujet, ce qui représente plus de 450 stratégies de ‘nudge'”, explique Stéphanie Mertens, premier auteur de l’étude et chercheuse au Laboratoire décision de consommation et comportement durable du Département de psychologie de la Faculté de psychologie et des sciences de l’éducation de l’UNIGE.

Pour réaliser cette étude, les chercheurs ont classé les nudges décrits dans cette littérature scientifique en trois groupes : “information”, “structure” et “assistance”. Dans le premier groupe, ils ont regroupé les interventions dont l’objectif est d’informer les individus afin de les motiver à faire certains choix, comme les étiquettes “nutri-score” présentes sur certains produits alimentaires. Dans le second ensemble, ils ont regroupé les techniques qui portent sur la structure d’un environnement. C’est l’exemple (cité plus haut) de la mise en valeur de certains repas dans le menu d’une cafétéria.

Dans le troisième ensemble, ils ont classé les nudges impliquant une forme d’engagement, comme dans le cas d’une personne qui arrête de fumer et en informe son entourage. Une fois informé, l’entourage prend la fonction de “garde-fou” dans l’architecture de choix du fumeur abstinent.

Très efficace pour les choix alimentaires

L’équipe scientifique a conclu que les trois groupes de nudges sont efficaces. Ils notent toutefois que les techniques du deuxième groupe (“structure”) sont les plus efficaces. “Au sein de ces groupes, nous avons également comparé différents domaines d’application, comme la santé, les finances ou la consommation d’énergie. Au final, nous avons constaté que les nudges fonctionnent le mieux dans le domaine de l’alimentation”, explique Tobias Brosch, directeur du laboratoire “Consumer Decision and Sustainable Behavior”. Tobias Brosch et son équipe ont également observé des disparités dans la qualité des études produites sur le sujet au fil des années. “Il est impératif que la qualité globale des études augmente en raison de l’impact que les nudges peuvent avoir sur la vie quotidienne des citoyens”, explique-t-il.

L’ensemble des données synthétisées est désormais à la disposition des chercheurs. Mais cette étude a également vocation à devenir un document de référence pour les décideurs politiques qui souhaitent mettre en œuvre ces nouvelles pratiques. “Toutefois, il est important de garder à l’esprit que les nudges sont des outils puissants, comme le montre notre recherche. Les nudges doivent donc être utilisés à bon escient et dans le cadre de processus démocratiques et transparents”, conclut le chercheur.

Référence : “L’efficacité des nudges : A meta-analysis of choice architecture interventions across behavioral domains” par Stephanie Mertens, Mario Herberz, Ulf J. J. Hahnel et Tobias Brosch, 4 janvier 2022, Actes de l’Académie nationale des sciences.
DOI : 10.1073/pnas.2107346118

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