Combler l’abîme entre la physique quantique et la théorie de la gravité – “Nous avons trouvé une solution étonnamment simple”.

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Concept d'astrophysique de l'univers des vortex

Les trous noirs et les trous de ver dans l’univers sont des systèmes complexes de nombreux corps et nécessitent une compréhension plus approfondie de l’espace, du temps, de la gravité et de la physique quantique.

Théorie de l’information quantique : La complexité quantique croît linéairement pendant un temps exponentiellement long.

Les physiciens connaissent l’énorme fossé qui sépare la physique quantique de la théorie de la gravité. Cependant, au cours des dernières décennies, la physique théorique a fourni quelques conjectures plausibles pour combler ce fossé et décrire le comportement de systèmes quantiques complexes à plusieurs corps, par exemple les trous noirs et les trous de ver dans l’univers. Aujourd’hui, un groupe de théorie de la Freie Universität Berlin et du HZB, ainsi que de l’université de Harvard, aux États-Unis, a prouvé une conjecture mathématique sur le comportement de la complexité dans de tels systèmes, augmentant ainsi la viabilité de ce pont. Les travaux sont publiés dans Nature Physics.

” Nous avons trouvé une solution étonnamment simple à un problème important de la physique “, déclare le professeur Jens Eisert, physicien théoricien à la Freie Universität Berlin et au HZB. “Nos résultats fournissent une base solide pour comprendre les propriétés physiques des systèmes quantiques chaotiques, des trous noirs aux systèmes complexes à plusieurs corps”, ajoute Eisert.

En utilisant uniquement un stylo et du papier, c’est-à-dire de manière purement analytique, les physiciens berlinois Jonas Haferkamp, Philippe Faist, Naga Kothakonda et Jens Eisert, ainsi que Nicole Yunger Halpern (Harvard, maintenant Maryland), ont réussi à prouver une conjecture qui a des implications majeures pour les systèmes quantiques complexes à plusieurs corps. “Cela joue un rôle, par exemple, lorsqu’on veut décrire le volume des trous noirs ou même des trous de ver”, explique Jonas Haferkamp, doctorant dans l’équipe d’Eisert et premier auteur de l’article.

Les systèmes quantiques complexes à plusieurs corps peuvent être reconstruits par des circuits de bits quantiques. La question est toutefois la suivante : combien d’opérations élémentaires sont nécessaires pour préparer l’état souhaité ? À première vue, il semble que ce nombre minimal d’opérations – la complexité du système – augmente toujours. Les physiciens Adam Brown et Leonard Susskind, de l’université de Stanford, ont formulé cette intuition sous la forme d’une conjecture mathématique : la complexité quantique d’un système à plusieurs particules devrait d’abord croître linéairement pendant des durées astronomiques, puis – pendant encore plus longtemps – rester dans un état de complexité maximale. Cette conjecture a été motivée par le comportement des trous de ver théoriques, dont le volume semble croître linéairement pendant un temps éternellement long. En fait, il est également supposé que la complexité et le volume des trous de ver sont une seule et même quantité, selon deux perspectives différentes. ” Cette redondance dans la description est également appelée le principe holographique et constitue une approche importante pour unifier la théorie quantique et la gravité.  La conjecture de Brown et Susskind sur la croissance de la complexité peut être considérée comme un contrôle de plausibilité des idées autour du principe holographique”, explique Haferkamp.

Le groupe a maintenant montré que la complexité quantique des circuits aléatoires augmente effectivement de manière linéaire avec le temps jusqu’à saturer à un moment exponentiel par rapport à la taille du système. De tels circuits aléatoires constituent un modèle puissant pour la dynamique des systèmes à plusieurs corps. La difficulté de prouver la conjecture vient du fait qu’il est difficile d’exclure l’existence de “raccourcis”, c’est-à-dire de circuits aléatoires beaucoup moins complexes que prévu. “Notre preuve est une combinaison surprenante de méthodes issues de la géométrie et de celles de la théorie de l’information quantique. Cette nouvelle approche permet de résoudre la conjecture pour la grande majorité des systèmes sans avoir à s’attaquer au problème notoirement difficile des états individuels”, déclare Haferkamp.

“Les travaux de Nature Physics est un beau point culminant de mon doctorat”, ajoute le jeune physicien, qui prendra un poste à l’université de Harvard à la fin de l’année. En tant que postdoc, il pourra y poursuivre ses recherches, de préférence de manière classique avec un stylo et du papier et en échangeant avec les meilleurs esprits de la physique théorique.

Référence : “Linear growth of quantum circuit complexity” par Jonas Haferkamp, Philippe Faist, Naga B. T. Kothakonda, Jens Eisert et Nicole Yunger Halpern, 28 mars 2022, Nature Physics.
DOI: 10.1038/s41567-022-01539-6

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