Cold Case File : Morts mystérieuses dans l’Arctique

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Cold Case File : Morts mystérieuses dans l'Arctique
Île de St. Matthew 2015 annotée

17 juin 2015

Grâce à l’utilisation de données télédétectées, les scientifiques ont pu comprendre les morts mystérieuses de caribous au Canada et de rennes dans les îles de la mer de Béring.

Une équipe d’enquête sur une île éloignée de l’Arctique canadien a découvert un spectacle macabre au cours de l’été 2016. Des carcasses de caribous, par dizaines, jonchaient la toundra de l’île Prince Charles, juste au nord du cercle polaire arctique, au Nunavut. D’après l’état des carcasses et la décomposition des organes internes, on estimait que la mort était survenue au moins plusieurs semaines avant l’arrivée de l’équipe, peut-être à la fin de l’hiver. Alors que certains animaux sont morts couchés, d’autres semblent s’être simplement effondrés.

Un demi-siècle plus tôt et à plus de 6 800 kilomètres à l’ouest, une scène similaire a confronté les biologistes sur une parcelle de terre isolée dans la mer de Béring. Quarante-deux rennes ont été trouvés en train de chercher de la nourriture parmi les restes squelettiques d’un troupeau de rennes sur l’île St. Matthew qui, trois ans auparavant, comptait 6 000 animaux.

En utilisant une combinaison de données télédétectées par des satellites et de capteurs au sol, les scientifiques ont trouvé les empreintes indubitables du même tueur en 2016 et en 1966. Les deux îles de l’Arctique sont représentées sur cette page, telles qu’observées en 2015 et 2016 par l’imageur terrestre opérationnel (OLI) de Landsat 8.

Alors que le caribou et le renne sont de la même espèce (Rangifer tarandus), ils ne sont pas le même animal. Le caribou, qui vit en Amérique du Nord, est un animal migrateur qui se déplace en grands troupeaux entre les lieux de reproduction. Les rennes vivent en Europe et en Asie et se sont adaptés à la domestication. Ils peuvent être utilisés pour tirer des traîneaux et peuvent être traits comme les vaches et les chèvres. (Le fromage de renne est réputé être doux et crémeux).

Un attribut clé que le caribou et le renne partagent est qu’ils sont herbivores et se nourrissent de lichens et de plantes. À la fin de l’automne et au début du printemps, ils utilisent leurs sabots acérés pour percer la croûte glacée des terres nordiques et atteindre cette source de nourriture. Bien que les animaux soient adaptés pour gérer efficacement leurs réserves d’énergie au cours du long hiver arctique, le timing est primordial. Et sur l’île du Prince Charles comme sur l’île St. Matthew, le temps a manqué aux troupeaux.

Île Prince Charles 2016 Annoté

22 juin 2016

Les données météorologiques de l’île du Prince Charles durant l’hiver 2015-2016 indiquent que des tempêtes majeures se sont produites en avril 2016, une période où les réserves énergétiques des caribous sont généralement au plus bas. Le vent et la neige de ces tempêtes ont créé un manteau neigeux inhabituellement dense, qui a été détecté grâce aux données de température de brillance acquises par le Special Sensor Microwave Imager/Sounder (SSMI/S) à bord des satellites de la série Defense Meteorological Satellite Program (DMSP). Les scientifiques ont déterminé à partir de ces données que les caribous, déjà affaiblis à la fin d’un long hiver, sont morts de faim lorsqu’ils ont été incapables de percer la dense couche de neige et de glace pour atteindre la nourriture dont ils avaient besoin.

Les conditions météorologiques hivernales inhabituellement rudes ont également été le coupable sur l’île de St. Matthew. Les scientifiques qui ont réanalysé les données météorologiques ont découvert que l’hiver 1963-1964 a été l’un des plus rudes jamais enregistrés dans les îles de la mer de Béring. Les rennes ont enduré des tempêtes avec des rafales de la force d’un ouragan, des refroidissements par le vent allant jusqu’à -71.5°. Fahrenheit (-57.5° Celsius), et une quantité record de neige. Comme à l’île Prince Charles, la croûte dure du manteau neigeux a rendu difficile, voire impossible, l’accès aux nutriments vitaux pour l’immense troupeau de rennes. Pour les 6 000 rennes, il n’y avait tout simplement pas assez de nourriture disponible au moment où ils en avaient le plus besoin. En 1966, il ne restait plus que 42 survivants.

Grâce à l’utilisation de données de télédétection, les scientifiques ont pu résoudre l’affaire de la mort mystérieuse de caribous au Canada et de rennes dans les îles de la mer de Béring, survenue à un demi-siècle d’intervalle. Les données étaient éloquentes.

NASA Images de l’Observatoire de la Terre par Joshua Stevens, à partir des données Landsat de l’U.S. Geological Survey. Article de Josh Blumenfeld, programme ESDS de la NASA.

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