Électronique inspirée du cerveau : un neurone ionique artificiel pour les mémoires électroniques de demain

Artificial Neuron Prototype
Prototype de neurone artificiel

Prototype de neurone artificiel : des fentes nanofluidiques peuvent jouer le rôle de canaux ioniques et permettre aux neurones de communiquer. Les clusters d’ions réalisent le transport d’ions qui provoque cette communication. Crédit : © Paul Robin, ENS Laboratoire de Physique (CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université/Université de Paris).

L’électronique inspirée du cerveau fait l’objet d’intenses recherches. Des scientifiques du CNRS et de l’Ecole Normale Supérieure – PSL ont théorisé comment développer des neurones artificiels en utilisant, comme cellules nerveuses, des ions pour véhiculer l’information. Leurs travaux, publiés dans Science le 6 août 2021, rapporte que des dispositifs constitués d’une seule couche d’eau transportant des ions à l’intérieur graphène les nanofentes ont la même capacité de transmission qu’un neurone.

Avec une consommation d’énergie équivalente à deux bananes par jour, le cerveau humain peut effectuer de nombreuses tâches complexes. Son efficacité énergétique élevée dépend notamment de son unité de base, le neurone, qui possède une membrane à pores nanométriques appelés canaux ioniques, qui s’ouvrent et se ferment en fonction des stimuli reçus. Les flux d’ions qui en résultent créent un courant électrique responsable de l’émission de potentiels d’action, des signaux qui permettent aux neurones de communiquer entre eux.

L’intelligence artificielle peut effectuer toutes ces tâches, mais seulement au prix d’une consommation d’énergie des dizaines de milliers de fois supérieure à celle du cerveau humain. Ainsi, tout le défi de la recherche aujourd’hui consiste à concevoir des systèmes électroniques aussi économes en énergie que le cerveau humain, par exemple, en utilisant des ions, et non des électrons, pour transporter l’information. Pour cela, la nanofluidique, l’étude du comportement des fluides dans des canaux de moins de 100 nanomètres de large, offre de nombreuses perspectives. Dans une nouvelle étude, une équipe de l’ENS Laboratoire de Physique (CNRS/ENS-PSL/Sorbonne Université/Université de Paris) montre comment construire un prototype de neurone artificiel formé de fentes de graphène extrêmement fines contenant une seule couche de molécules d’eau .1

Les scientifiques ont montré que, sous l’effet d’un champ électrique, les ions de cette couche d’eau s’assemblent en amas allongés et développent une propriété connue sous le nom d’effet memristor : ces amas conservent une partie des stimuli reçus dans le passé. Pour répéter la comparaison avec le cerveau, les fentes de graphène reproduisent les canaux ioniques, les amas et les flux ioniques. Et, à l’aide d’outils théoriques et numériques, des scientifiques ont montré comment assembler ces clusters pour reproduire le mécanisme physique d’émission de potentiels d’action, et donc de transmission d’informations.

Ce travail théorique se poursuit expérimentalement au sein de l’équipe française, en collaboration avec des scientifiques de l’Université de Manchester (Royaume-Uni). L’objectif est maintenant de prouver expérimentalement que de tels systèmes peuvent mettre en œuvre des algorithmes d’apprentissage simples pouvant servir de base aux mémoires électroniques de demain.

Remarques:

1 Récemment inventé à Manchester par le groupe d’André Geim (Prix Nobel de Physique 2010)

Référence : « Modelling of Emergent memory and voltage Spiking in ionic transport through angström-scale slits » par Paul Robin, Nikita Kavokine et Lydéric Bocquet, 6 août 2021, Science.
DOI : 10.1126/science.abf7923

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