En utilisant un modèle mathématique, deux scientifiques de l’Université d’Innsbruck et de l’Université d’Helsinki ont pu déterminer que dans la dynamique prédateur-proie, les deux parties s’adaptent rapidement grâce à l’évolution.
Il est relativement nouveau de constater que l’évolution est suffisamment rapide pour jouer un rôle important dans la dynamique des populations. Certaines recherches publiées récemment montrent comment les organismes proies s’adaptent au cours de l’évolution pour échapper à la pression de la prédation. Mais quelle est l’importance de ce processus ? Une nouvelle étude menée par le département de recherche en limnologie de l’université d’Innsbruck à Mondsee démontre que dans la dynamique prédateur-proie, non seulement la proie s’adapte par l’évolution, mais aussi les prédateurs. L’étude a été publiée dans la revue Ecology and Evolution et financée par la bourse pour jeunes chercheurs de l’université d’Innsbruck.
Le modèle classique prédateur-proie
Les individus d’une même espèce qui vivent et se reproduisent ensemble dans une zone relativement fermée forment une population. La taille de cette population peut être soumise à des fluctuations douces ou extrêmes, dues à diverses influences environnementales. Cette diminution et cette augmentation des individus au fil du temps sont appelées dynamique des populations.
La dynamique des populations est souvent expliquée en termes de processus purement écologiques, comme on peut le voir dans l’exemple des relations prédateur-proie. Dans ce cas, la dynamique des populations est principalement déterminée par le taux de croissance des proies et le taux d’alimentation des prédateurs.
Les modèles classiques prédateur-proie supposent que les organismes proies évoluent sans être affectés jusqu’à ce qu’un prédateur arrive et décime la proie. Les prédateurs trouvent une nourriture abondante et deviennent également plus abondants. L’augmentation de la pression de prédation réduit la densité des proies, ce qui entraîne une diminution de la densité des prédateurs jusqu’à ce que les proies se rétablissent. Ainsi, lorsque les proies sont épuisées par le prédateur, un effondrement global de la population se produit. Ce modèle ne représente que la dynamique écologique. Cependant, les relations prédateur-proie sont également une cause importante d’adaptation évolutive.
La défense par l’évolution
Des scientifiques finlandais ont découvert en 2018 que de telles prédictions théoriques ne peuvent pas être appliquées littéralement à la nature. Ils ont étudié des ciliés microscopiques comme prédateurs et des bactéries comme proies. Après un certain point, le nombre de bactéries ne diminuait pas. Il semblait y avoir un facteur supplémentaire qui influençait la dynamique. En fait, les bactéries avaient subi un changement évolutif et avaient formé un trait de défense efficace, vraisemblablement en agglutinant leurs cellules ensemble, ce qui en faisait des proies trop grandes pour les ciliés.
Evolution conjointe
Cette expérience a servi de base à une étude théorique menée par Thomas Scheuerl du département de recherche en limnologie de l’université d’Innsbruck à Mondsee et Veijo Kaitala de l’université d’Helsinki. Ils ont constaté que dans un processus purement écologique, les densités de prédateurs devraient être beaucoup plus faibles et que l’extinction des ciliés devrait même s’ensuivre. Or, au cours de l’expérience, le nombre de prédateurs et celui des proies ont atteint un équilibre. Un modèle purement écologique n’a pas pu reproduire ces observations, lorsqu’il a été calibré avec des paramètres tirés des observations. La dynamique observée n’a été reproduite mathématiquement que lorsque la coévolution des prédateurs et des proies a été incluse comme facteur. “Nous en concluons que les prédateurs ont également dû évoluer, c’est-à-dire co-évoluer, en fonction des proies. C’est la seule façon d’expliquer la dynamique de population observée et l’état d’équilibre spécifique”, déclare Thomas Scheuerl.
Le modèle théorique ainsi créé a permis de tester la stabilité du processus de coévolution, en autorisant un large éventail d’autres hypothèses. Le résultat : la coévolution devait avoir lieu dans presque toutes les conditions appliquées.
Fluctuations du signal
En outre, Scheuerl et Kaitala ont observé que l’état d’équilibre dans la dynamique de la population de l’expérience originale n’apparaissait pas comme un signal constant, mais fluctuait vers le haut et vers le bas, ce qui se poursuivait dans les générations suivantes. Ces fluctuations étaient visibles dans les observations et les cycles prédateur-proie étaient mentionnés comme une explication possible, mais elles n’étaient pas visibles dans le modèle théorique. Ce n’est qu’après avoir inséré un taux d’erreur qu’une telle dynamique fluctuante a pu être simulée. Les chercheurs ont compris qu’il s’agissait d’oscillations qui se produisaient lorsque le système était poussé hors de l’équilibre. Le moment où l’expérience a été lancée semblait jouer un rôle, c’est-à-dire la position dans laquelle se trouvaient les courbes du prédateur et de la proie. L’explication exacte de ces fluctuations fera l’objet de recherches futures.
Référence : ” L’effet de la dilution sur l’éco-évolution “.dynamique des communautés microbiennes expérimentales” par Thomas Scheuerl et Veijo Kaitala, 7 septembre 2021, Ecologie et évolution.
DOI : 10.1002/ece3.8065